Constat de nuisances sonores et conflits de voisinage : méthodologie.
Chacun sait que la musique Metal est le meilleur genre musical mais ce n'est pas pour autant une raison d'imposer à vos voisins une ambiance digne du Hellfest.
Le constat de nuisances sonores en milieu urbain ou rural fait partie du Top 3 des interventions du Commissaire de Justice lors de conflits de voisinage.
Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Pour mémoire, rappelons brièvement en préambule le contenu de trois articles.
L'article 543 du Code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".
Son pendant pour la location réside dans l'article 1728 du même Code selon lequel "le preneur est tenu de deux obligations principales: 1) D'user de la chose louée raisonnablement (...)".
Enfin, il existe un article R. 1336-5 du Code de la santé publique qui dispose, lui, qu'"aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité".
Vous vous doutez bien que le mélange de ces articles créé un terreau fertile pour les demandes de "constat de bruits".
Comment un constat de bruits est-il réalisé ?
La méthodologie est plutôt simple en apparence. En effet, le Commissaire de Justice doit utiliser les cinq sens pendant un constat et il est évident qu'il devra étayer au maximum ses constatations et ne pas se contenter d'une note laconique en termes peu précis.
Non, des constatations de cet acabit ne sont pas sérieuses et on attendra un compte rendu exhaustif en terme de nature (son métallique, sourd, cliquetis, piaillements, voix aiguë, grave, etc.), de durée, d'intensité et surtout un exposé des conditions dans lesquelles le constat a été réalisé.
En effet, le Commissaire de Justice est limité par sa propre oreille et son propre ressenti qui doit bien évidemment être le plus objectif possible. Comme en sciences, les résultats sont en partie soumis aux contraintes du cadre expérimental au sein duquel ils sont obtenus.
Par exemple, la Cour de cassation dans un arrêt du 16 Mars 2023 (n° 22-11.658) a, pour rejeté un pourvoi formé à l'encontre d'une décision refusant de reconnaitre un trouble anormal de voisinage, relevé que la seule mesure acoustique chiffrée réalisée par le Commissaire de Justice dans son constat avait été effectuée à l'extérieur de la maison, alors même que les requérants se plaignaient de bruits provoquant des réveils nocturnes ou matinaux et perturbant leur sommeil. La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d'appel, le caractère anormal du trouble ne pouvant pas être établi par cette mesure réalisée dans des conditions distinctes de celles du préjudice allégué.
Il est donc impératif de décrire précisément les conditions de réalisation du constat et surtout d'adapter la méthode avec le préjudice allégué. D'autre part, le Commissaire de Justice n'étant pas un expert mais un technicien, les résultats obtenus par l'utilisation d'un appareil de mesure acoustique ne seront retenus que pour ce qu'ils sont, à savoir de simples relevés. Là encore, la description précise des conditions de paramétrage de l'outil est indispensable.
L'appréciation de la réalité des nuisances dans le cadre privé et domestique, et donc des troubles engendrés, est néanmoins indifférente du respect ou non d'un seuil réglementaire. Seule la nature des nuisances, au regard notamment de l'intensité du bruit, de sa persistance dans la journée et dans le temps, doit être prise en considération afin de déterminer l'existence d'un trouble.
Toutefois, il n'en va pas de même des nuisances engendré par une activité professionnelle. L'article R. 1336-6 du Code de la santé publique dispose clairement que "lorsque le bruit (...) a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit (...) est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas".
Un simple relevé "à l'oreille" apparait insuffisant dans ce cadre et il sera impératif de réaliser des mesures chiffrées à intervalles régulières, dans les conditions strictement définies par le texte.
Auteur : Olivier Lafont
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